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« Qui s’en occupera lorsque je ne serai plus là ? »

1 juin 2025
 - 
par Janique Raymond-Migneault

intro

« Qui s’en occupera lorsque je ne serai plus là ? »

Cette phrase a souvent été entendue dans les locaux de l’ALPABEM. Peut-être que vous êtes plusieurs, en ce moment, à vous poser cette question. Pour les parents qui accompagnent un enfant devenu adulte atteint d’une problématique de santé mentale, l’impuissance et l’inquiétude peuvent devenir une source de détresse et susciter parfois même des pensées envahissantes et obsessives.

S’ensuivra alors un palmarès de tentatives, souvent bienveillantes mais parfois infructueuses, pour trouver une solution à un problème complexe. Car tendre vers l’autonomie va bien au-delà de désigner un tuteur légal. Cette question ne réfère pas uniquement à la logistique future, mais à quelque chose de beaucoup plus profond : le besoin pour les parents d’être rassurés sur le niveau d’autonomie que leur enfant adulte, aux prises avec des enjeux de santé mentale, pourra atteindre… et maintenir.

Qu’est-ce que l’autonomie ?

Le Larousse définit l’autonomie comme la « capacité de quelqu’un à être autonome, à ne pas être dépendant d’autrui ; caractère de quelque chose qui fonctionne ou évolue indépendamment d’autre chose ».

Cette définition, bien que large, prend un sens tout particulier dans le contexte de la santé mentale, où les repères sont souvent flous, et où l’autonomie peut être fluctuante, partielle, voire paradoxale.

L’autonomie, c’est plus qu’être capable de vivre seul ou de gérer son budget. C’est la somme de petites habiletés — physiques, émotionnelles, sociales — qui permettent à une personne d’avoir une emprise sur sa vie, même si elle vit avec un diagnostic. Il ne s’agit pas d’indépendance totale, mais d’une forme de fonctionnement qui respecte ses capacités, ses choix, tout en valorisant sa dignité.

Tendre vers l’autonomie

Les parents espèrent souvent que leur enfant devienne « totalement autonome ». Mais dans les faits, l’autonomie se décline en degrés. Elle peut être solide dans un domaine (ex. : la gestion des repas), mais fragile dans un autre (ex. : la gestion des émotions ou des relations interpersonnelles). Il est donc essentiel de penser l’autonomie non pas comme un état binaire (autonome ou non), mais comme un continuum sur lequel chaque personne peut évoluer à son rythme, pour autant qu’on lui en laisse la chance.

Sortir du rôle de « sauveur »

Ce qui rend ce cheminement d’autant plus difficile pour les parents, c’est leur position d’aidant naturel. Indépendamment de l’âge, lorsque son enfant est en souffrance, le réflexe parental est souvent de vouloir « réparer », « intervenir », « résoudre ». Cela part d’un amour immense et inconditionnel… et cela peut aussi devenir un piège. En voulant tout faire pour eux, les parents risquent de l’empêcher de faire ses propres expériences — même si ces expériences comportent des risques. Les crises et les rechutes sont souvent des opportunités de changement pour notre proche, et pour nous.

Tendre vers l’autonomie, c’est aussi, pour le parent, d’apprendre à lâcher prise sur certaines choses. Ce lâcher-prise n’est pas une démission, c’est un acte de confiance. Il implique de renoncer au contrôle pour favoriser l’émergence de la responsabilité. Le message sous-entendu est « J’ai confiance que tu peux y arriver ».

Tolérer l’impuissance : un apprentissage en soi

L’un des défis les plus douloureux dans ce parcours est d’accepter l’impuissance. Voir son enfant faire des choix que l’on désapprouve. Être témoin d’un recul, d’une rechute, ou d’une stagnation. Réaliser qu’on ne peut pas imposer la guérison, ni forcer le changement.

Tolérer l’impuissance, c’est accueillir ses limites tout en continuant d’aimer. C’est reconnaître que notre présence est précieuse, même quand elle ne permet pas de solutionner les choses. C’est aussi se donner le droit de ressentir — la peur, la colère, la tristesse, la déception sans s’y noyer.

Repenser son rôle de parent

Quand un enfant devient adulte, le rôle parental se transforme. Et lorsqu’il vit avec un trouble de santé mentale, cette transformation peut être encore plus marquée, voire déstabilisante.

Les repères habituels tombent : on ne peut plus se fier à des balises classiques (études, emploi, déménagement), et on doit parfois faire le deuil d’une trajectoire « typique ». Cela peut entraîner un deuil symbolique — celui de l’enfant tel qu’on l’avait imaginé.

Mais ce processus de deuil peut aussi ouvrir une reconstruction identitaire : en tant que parent, il est possible de retrouver sa place, différemment. Non plus comme celui ou celle qui protège à tout prix, mais comme une personne-ressource, un soutien affectif stable, un repère dans les tempêtes.

Préparer l’après

La question « Qui s’en occupera lorsque je ne serai plus là ? » demeure sans réponse unique. Mais elle peut devenir un point de départ pour des réflexions concrètes. L’objectif est de favoriser l’implication progressive de la personne atteinte dans les décisions qui la concernent. Cela peut impliquer :

  • Identifier des personnes de confiance dans l’entourage

  • Explorer les ressources communautaires et les milieux de vie adaptés

  • Rédiger un plan de crise ou de continuité

Préparer l’après, ce n’est pas abandonner. C’est planifier avec lucidité et amour, en reconnaissant que l’on ne sera pas toujours là… mais que ce qu’on transmet aujourd’hui peut perdurer.

Conclusion

Tendre vers l’autonomie et développer la tolérance à l’impuissance sont deux mouvements complémentaires et exigeants. Ils demandent du temps, du soutien, de la compassion — envers son enfant, mais aussi envers soi-même.

Les familles qui franchissent ces étapes témoignent souvent, après coup, d’un mieux-être. Non pas parce que tout est réglé, mais parce qu’elles ont trouvé un équilibre possible, entre accompagnement et lâcher-prise, entre amour et autonomie.

À l’ALPABEM, nous croyons que chaque parent a en lui les ressources pour faire ce chemin. Et qu’il n’a pas à le faire seul.

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