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Un traitement prometteur pour le TPL

26 août 2012
 - 
par Cynthia Bertrand

Un traitement prometteur pour le TPL

Depuis les années 1990, le trouble de personnalité limite (TPL) représente un problème de santé mentale majeur. Il évoque un trouble sévère, chronique et persistant.

Le trouble de personnalité limite touche de 2 à 3 % de la population en général. Les études indiquent avec constance que ce trouble semble durer dans le temps. Entre 57 et 67 % des patients continuent de démontrer des critères diagnostiques plus de 7 ans après leur premier diagnostic, et 44 % après plus de 15 ans.

La gravité du TPL se manifeste en particulier par un taux élevé de mortalité chez les personnes souffrant de ce trouble. Les coûts émotionnels du TPL sont énormes.

Aperçu du TPL

Les individus touchés révèlent vivre un sentiment persistant de colèrede vide, de dépression et d’anxiété. Ils ont un faible seuil de tolérance à la frustration et à la souffrance, ce qui les amène souvent à des crises de colère exagérées. Ils vivent des relations chaotiques dues à une identité «confuse » et à un manque de capacités interpersonnelles. Les gens qui souffrent du TPL démontrent des difficultés à maîtriser leurs réactions émotionnelles.

Des traitements pour soigner le TPL? (Trouble borderline/personnalité limite)

Jusqu’à maintenant, il existait peu de traitements prouvés efficaces pour les personnes souffrant du TPL. En résumé, la pharmacothérapie, qui peut avoir quand même un impact significatif au niveau clinique, demeure modeste dans son efficacité. La psychothérapie traditionnelle (approche cognitive comportementale) ne démontre pas non plus une grande efficacité comme le soulignent les études empiriques.

La situation est problématique parce que la complexité et la sévérité du TPL nécessitent un traitement concurrent à la pharmacothérapie. Présentement, la thérapie cognitive-comportementale dialectique (TCD) demeure l’une des seules approches à disposer de solides appuis empiriques issus d’une série d’études expérimentales et scientifiques.

Historique de l’approche la thérapie cognitive comportementale dialectique (TCD) : origine et fondement

(2) La thérapie comportementale dialectique (TCD) a été élaborée aux États-Unis par Marsha M. Linehan et son équipe dans les années 1980. Développée à l’origine pour traiter des individus chroniquement suicidaires, la thérapie TCD a évolué en un traitement pour les individus multi-troubles avec le trouble de la personnalité limite (borderline).

Les dames d’abord

Linehan a d’abord tenté d’appliquer la thérapie cognitive-comportementale « classique » sur une clientèle féminine présentant des comportements suicidaires, mais elle a rapidement rencontré d’importants obstacles dans cette application.

La thérapie cognitive comportementale « classique » accorde une place primordiale au changement, mais cette approche était vécue par les patientes comme une invalidation de leurs difficultés. La réaction des patientes se manifestait par des comportements d’opposition, de non-collaboration, d’évitement ou de colère. L’enseignement et le renforcement de nouvelles connaissances se révélaient donc très difficiles à intégrer durant une session individuelle de thérapie, particulièrement lorsqu’il s’agissait de cibler simultanément les motivations des patientes à mourir et leurs comportements suicidaires récents.

Les patients TPL ont souvent renforcé involontairement le thérapeute lorsque celui-ci leur permettait de changer de sujet ou d’éviter des thématiques douloureuses et, à l’inverse, « punissaient » leurs soignants par la colère ou l’absence aux rencontres quand ces derniers pointaient un comportement inadéquat.

La notion d’acceptation

La situation a entraîné un nombre important d’abandons de thérapie par les patientes souffrant de TPL et un épuisement rapide des thérapeutes. Ces constatations ont permis de développer une adaptation de la thérapie cognitive comportementale destinée à la clientèle en question.

Linehan a introduit dans une première démarche la notion d’acceptation tout en maintenant l’importance du changement. L’idée sous-jacente consistait à contrebalancer les demandes de changement avec une validation de la situation actuelle. L’acceptation favorisait le maintien du lien de confiance entre le patient et le thérapeute. Linehan s’est inspiré de sa pratique personnelle de méditation zen pour la conceptualisation de cette notion d’acceptation.

Qu’est-ce que la TCD ?

(3) La TCD combine donc des stratégies basiques de thérapie comportementale avec des pratiques orientales de conscience de l’instant présent. Cette approche présente ainsi une vue globale dialectique qui souligne la synthèse des opposés. La dialectique est la recherche dynamique d’une synthèse entre deux opposés (thèse et antithèse). La recherche d’équilibre entre le changement et l’acceptation a permis le développement progressif de la notion de dialectique qui est devenue depuis le thème central de la TCD.

(4) C’est surtout son emploi systématique dans les dialogues de Platon (philosophe grec) qui a popularisé l’usage de ce terme. Dans ces dialogues, la dialectique tente de faire émerger de nouvelles propositions (ou thèses) qui permettent de résoudre ou d’expliciter les contradictions initiales.

La philosophie de l’approche TCD

(5) La philosophie de base de l’approche de Linehan s’inspire aussi de la notion de dialectique de Karl Marx et d’Hegel. Selon eux, la réalité est un tout complexe, chargé d’oppositions et dont les composantes sont constamment en relation. Ce qui signifie, en d’autres mots, que ces composantes s’influencent.

Cette perspective dialectique suggère que dans chaque dysfonction, on trouve une fonction et que dans chaque distorsion, il y a une part de vérité. Cette dernière affirmation semble souvent paradoxale et contradictoire, mais ces deux aspects ne doivent pas nécessairement s’annuler l’un l’autre, ni se dominer. Par exemple, une vérité ne sera pas la mienne ou la vôtre, mais plutôt la mienne et la vôtre. Les deux perceptions d’une situation peuvent être vraies. Cette approche, permet de travailler la pensée dichotomique, c’est-à-dire la pensée divisée en deux concepts contraires (aussi appelée« clivage ») chez les personnes souffrant du TPL.

Le changement découlerait donc naturellement de la tension entre ces deux oppositions (la thèse et l’antithèse).Cependant, lorsqu’il y a un changement, un nouvel état se crée qui contient aussi des nouvelles oppositions et produit du nouveau matériel qui génère à son tour un processus de changement continu.

La philosophie dialectique dirige donc l’ensemble de la TCD. Cette approche favorise essentiellement l’acceptation de la personne tout en l’accompagnant vers un changement de ses comportements inadéquats. Le thérapeute qui applique l’approche dialectique a tendance à développer une attitude de respect et d’acceptation du patient et se défend bien de traiter celui-ci de « manipulateur ».

Structure de la thérapie comportementale dialectique(TCD)

Nous serions tentés de résumer la thérapie comportementale dialectique (TCD) en une seule phrase : le thérapeute crée un contexte de validation et ne blâme pas le patient. Néanmoins, il s’agit d’une thérapie assez structurée et bien plus riche et complexe que cette phrase ne le laisse penser.

La thérapie est organisée en fonction du niveau du trouble du patient et du stade de traitement correspondant. Ensuite, des cibles comportementales et des objectifs personnalisés sont définis selon une hiérarchie déterminée par la sévérité des comportements.

Les fonctions principales auxquelles aspire la thérapie comportementale dialectique (TCD) sont

  • augmenter les compétences du patient ;

  • généraliser certaines de ces compétences à l’environnement;

  • augmenter et maintenir la motivation du patient à changer ;

  • augmenter la motivation et les compétences du thérapeute ;

  • structurer l’environnement afin d’optimiser la mise en place du traitement.

La réalisation de ces fonctions est assurée à travers la diversité des unités constituant le programme standard de la thérapie (TCD) : la thérapie individuelle, le groupe d’entraînement aux compétences, la consultation téléphonique et les réunions d’équipe des thérapeutes.

Biologique ou facteurs environnementaux ?

La cause et le maintien du TPL résultent, selon Linehan, principalement d’un dérèglement biologique combiné à différents facteurs environnementaux. La cause biologique réside surtout dans l’incapacité au niveau cérébral à réguler les émotions et les comportements qui en découlent.

Les facteurs environnementaux représentent toute une gamme des circonstances envahissantes, ou perçues comme envahissantes par l’individu, qui punissent, traumatisent ou abusent cette vulnérabilité émotionnelle. C’est sur la base de cette notion de dérèglement biologique (au niveau émotionnel, interpersonnel, comportemental, cognitif et identitaire) que Linehan a regroupé le contenu des compétences enseignées en TCD. Chaque module permet d’enseigner les compétences déficitaires en lien avec un dérèglement en particulier.

Un traitement en 4 étapes

Linehan subdivise le traitement en quatre phases en fonction du niveau du trouble du patient, les voici:

La phase 1

Consiste à bâtir une relation thérapeutique stable afin de permettre l’acquisition d’un meilleur contrôle de soi et l’extinction des comportements mettant la vie en danger.

La phase 2

L’objectif visé est d’augmenter le ressenti émotionnel en traitant un possible stress post-traumatique.

La phase 3

Est centrée sur la gestion des problèmes de la vie quotidienne et l’augmentation du respect de soi.

La phase 4

Vise à atténuer le sentiment d’incomplétude par la recherche d’un accomplissement personnel.

Stratégie centrale du traitement

La principale stratégie qui conduit vers l’acceptation est la validation. À travers de la validation, nous transmettons à l’autre que ses pensées, ses émotions et ses comportements ont un sens et donc une fonction. Dans la TCD, Le thérapeute exerce une recherche active de la part de vérité contenue dans le comportement du patient, même si celui-ci est dysfonctionnel. De fait, la validation joue un rôle primordial dans cette forme de thérapie ainsi que dans le lien de confiance avec le thérapeute. Elle doit se manifester tant dans l’observation et l’écoute active du patient qu’à travers la reformulation empathique et le non-jugement des propos du vécu émotionnel.

Conclusion

L’emphase sur la philosophie dialectique fait toutefois l’originalité de la TCD. Elle constitue quand même une approche relativement complexe. La mise en oeuvre de ce programme est souvent difficile, car cela nécessite des formations très spécifiques données par l’équipe de Linehan, ainsi qu’une adaptation aux structures et au contexte local dont les soignants en formation seraient issus.

En effet, les compétences proposées par la TCD sont également très utiles pour les proches, que ce soit le non-jugement, la validation ou les stratégies de régulation des émotions. Le focus est placé sur l’acceptation de la personne telle qu’elle est en ce moment et non pas sur l’acceptation préparatoire au changement éventuel.

Linehan appelle cela l’acceptation radicale, une conception inspirée de la philosophie orientale. Enfin, appliquer la TCD, c’est comme apprendre à danser. Il faut s’entraîner intensivement en étant à l’écoute de ses limites, puis il faut oser s’exposer en s’engageant avec un partenaire(le thérapeute). C’est seulement en dansant à deux que l’on peut apprendre à mieux s’adapter et à développer de la confiance.

Références :

1) LINEHAN Marsha, Ph.D. « Dialectical Behavior Therapy (DBT) for Borderline Personality Disorder », www.dbtselfhelp.com.

2) « Thérapie comportementale dialectique »,Chapitre 6, Trouble de personnalité limite et réadaptation : Points de vue de différents acteurs, Tome 1, Collectif d’auteurs sous la direction de Robert Labrosse et Claude Leclerc,2007.

3) Site Internet :http://fr.wikipedia.org/wiki/Dialectique.

4) BÉGIN Catherine et Danielle LEFEBVRE, psychologues.« La psychothérapie dialectique comportementale des personnalités limites », École de psychologie, Université Laval, Santé mentale au Québec, 1996, XXII, 1, 43-68.

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